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Pierre-Louis Guinand : un artisan au cœur de l'optique et de la précision

Pierre-Louis Guinand, source : wikipedia


Pierre-Louis Guinand (1748-1824) est une figure emblématique de l'histoire de l'optique, bien que par trop méconnue. Né au hameau de La Corbatière, dans la commune de La Sagne, il débute sa carrière dans l’atelier familial de menuiserie avant de se tourner vers l'horlogerie. C'est en travaillant pour les célèbres penduliers Jaquet-Droz qu'il découvre une lunette astronomique anglaise, éveillant en lui une passion profonde pour l'optique.

Autodidacte, Guinand se consacre à la fabrication du verre flint, un matériau essentiel pour les instruments optiques de précision. La légende raconte que, captivé par la lunette astronomique qu’il avait entre les mains, il décide de percer les secrets de sa fabrication. Cette quête, qui le consume jusqu’à la fin de sa vie, le pousse à investir toute sa fortune dans des expériences visant à produire un verre exempt d'imperfections dans son atelier des Brenets. Ses efforts acharnés aboutissent à une technique novatrice qui facilite la production de lentilles de grande taille et de haute qualité.

Ses recherches le mènent à collaborer avec les ateliers de mathématiques bavarois d’Utzschneider, de Liebherr et de Reichenbach fondé en 1804 pour organiser la fabrication du verre.  Il est également en relation avec des astronomes français et la Royal Society à Londres qui s’intéressent de près à sa production. Par son travail acharné, il marque un développement important dans le domaine de l’optique, contribuant à des avancées majeures en astronomie, en horlogerie et pour les instruments scientifiques.


Un artisan au sein d’une culture de la précision

Pour comprendre le personnage de Guinand, il convient de le replacer dans le contexte d’une culture de la précision au sein de l’Arc jurassien, nourrie par l'interconnexion entre plusieurs disciplines scientifiques et techniques. L’opticien brenassier, par ses contributions, s'inscrit pleinement dans cette tradition.


Horlogerie et astronomie : une alliance nécessaire

Au XVIIIe et XIXe siècles, l’horlogerie de précision se développée en parallèle des avancées astronomiques. Les horlogers ont besoin d'une référence fiable pour calibrer leurs garde-temps. Or, à cette époque, la meilleure référence est fournie par les observations astronomiques, qui permettent de mesurer le temps avec une exactitude inégalée et de vérifier la marche du régulateur servant de référence au sein de l’atelier d’horlogerie.

Les observatoires jouent un rôle crucial dans cette dynamique. Grâce à des instruments tels que les lunettes astronomiques, ils peuvent enregistrer les mouvements célestes et définir une heure précise, dite "heure sidérale". Cette information est ensuite transmise aux horlogers, leur permettant d’ajuster leurs montres et chronomètres. Si les horlogers requièrent des compétences en astronomie, la réciproque est aussi de mise puisque les astronomes ont besoin de garde-temps pour effectuer leurs observations.


La chronométrie marine : un catalyseur d’innovation

La recherche de précision en horlogerie prend un essor sans précédent avec le développement de la chronométrie de marine. Les navires ont en effet besoin de chronomètres fiables pour calculer la longitude en pleine mer. Ces instruments, appelés chronomètres de marine, doivent être précis, stables et résistants aux conditions extrêmes et surtout certifiés pour donner confiance aux acquéreurs.

Le besoin de certification implique d’améliorer la précision des observations astronomiques. Or, au XVIIIe siècle, la qualité du verre flint, participant à la composition des doublets achromatiques – servant à résoudre les problèmes de l’aberration chromatique – limite la taille des instruments astronomiques. Ainsi, pour améliorer la chronométrie de marine et la mesure du temps de manière plus générale, le développement de l’astronomie, de l’optique et la fabrication d’instruments scientifiques s’intensifie.


Une exposition pour redécouvrir Guinand, un personnage méconnu

À l'occasion du bicentenaire de son décès, l'exposition "De Guinand l'horloger à Guinand l'opticien" au Musée d’horlogerie du Locle-Château des Monts, ouverte jusqu'au 29 juin 2025, retrace le parcours de Guinand et son impact sur l'optique et l'horlogerie.


Recherche et collaborations

La préparation de cette exposition a nécessité une recherche approfondie dans diverses archives et collections. Les Archives de l’État, la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds, la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, le Deutsches Museum à Munich et la Royal Society à Londres ont fourni des documents précieux sur la vie et les travaux de Guinand. Des rencontres enrichissantes avec des passionnés tels que David Favre et Jean-Claude Vuez ont également permis d’obtenir des morceaux de verre retrouvés sur les propriétés de Guinand.


Conclusion : un héritage vivant

Pierre-Louis Guinand incarne l'esprit d'innovation et de persévérance  et représente un exemple de plus du développement d’une culture de la précision au sein de l’Arc jurassien. Son héritage, bien que souvent méconnu, a jeté les bases de l'optique moderne et a influencé des domaines tels que l'astronomie et l'horlogerie. Cette exposition vise à rendre hommage à cet artisan visionnaire et à faire découvrir au public l'ampleur de ses contributions.

Pour en savoir plus, visitez l'exposition au Musée d’horlogerie du Locle-Château des Monts jusqu'au 29 juin 2025.

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